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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/958

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divine, à la Salette, à Lourdes et dans tant de sanctuaires privilégiés. Dieu alors, dans son infinie bonté, rappelle sa toute-puissance aux peuples oublieux ; il montre qu’il n’a pas besoin, lui, de médecin ni de remède, pour rétablir l’ordre dans le corps humain bouleversé par Satan.

Mais, encore une fois, les maladies ont leurs règles, leurs lois, et l’hystérie aussi bien que toutes les autres. C’est pourquoi un hystérique peut devenir possédé et, dans ce cas, accomplir des choses supranaturelles, sans qu’il s’ensuive que, d’autre part, un possédé soit hystérique, le fait de sa possession.

Entre autres démoniaques, pratiquant couramment le satanisme, je prends la Ingersoll ; je ne puis voir en elle une hystérique, à aucun degré. C’est à mon second voyage aux États-Unis que je l’ai rencontrée, dans une séance d’occultisme palladique. C’était à New-York ; car on fait voyager là-bas cette malheureuse, de ville en ville, comme les lucifériens de Suisse conduisaient partout la pauvre Barbe Bilger avant qu’elle ne s’arrachât de leurs mains, comme les docteurs en spiritisme italien font voyager dans toute la péninsule la déjà célèbre Eusapia Paladino, laquelle est fort bien une démoniaque, quoique seulement encore au degré de vocate procédant.

La Ingersoll, dont Albert Pike a parlé incidemment dans la relation de sa fameuse tournée maçonnique de 1883, avait, lorsque je l’ai vue, entre trente-quatre et trente-cinq ans ; c’est, du moins, ce qui me fut affirmé par le frère qui l’accompagnait : mais elle ne paraissait certes pas cet âge ; on lui aurait donné vingt-huit ans tout au plus. C’est une belle fille, pleine de vigueur et de santé, d’une carnation fraîche, l’œil noir clair et limpide, ayant d’admirables cheveux noirs, à poignées, lourdes et touffues. Chez elle, l’œil surtout est caractéristique ; il est calme, reposé, d’un regard grand et légèrement rêveur. La bouche est saine ; les lèvres roses ; aucune contraction dans le visage, mais au contraire un bel épanouissement de jeunesse et de douceur. Rien, en elle, ne sent la malade, et encore moins l’hystérique ; c’est une fille en plein état de robustesse, aux bras blancs, qu’elle a nus en séance, où les veines bleues apparaissent délicatement. Avec cela, bien prise, de stature ordinaire, et presque vigoureusement musclée.

Où pourrait-on voir, d’ailleurs, des actes d’hystérique, dans le court passage qu’Albert Pike lui a consacré ? Loin de là, nous sommes bien en présence d’une de ces démoniaques, qui, si nous vivions au temps où le culte de Lucifer était un crime sévèrement puni, seraient jugées dignes du bûcher, comme Didyme, la magicienne flamande, comme Marie Martin, la sorcière picarde, comme Antide Colas, l’épouse du diable dans le Jura. La Ingersoll est une possédée parce que, une possédée active, cela