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Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/186

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ne sentait plus sa jambe gauche. Il n’entendait pas ; il ne comprenait rien ; et il souffrait intolérablement de ne pouvoir pas écouter le chef du jury, assis ou étendu. Quand enfin on lui permit, ainsi qu’à ses compagnons, de s’asseoir, le procureur se leva et dit quelque chose d’inintelligible pour lui. Des gendarmes, comme sortis de terre, apparurent, sabre nu, et entourèrent tous les inculpés. On ordonna à Avdiéiév de se lever et de marcher.

Avdiéiév comprit alors qu’on l’avait déclaré coupable et qu’on l’arrêtait ; mais il ne s’en effraya pas encore, et ne s’en étonna pas : le dérangement de son estomac était tel qu’il ne pouvait se soucier d’autre chose.

– On ne nous laisse donc pas retourner à l’hôtel ? demanda-t-il à un de ses compagnons. Et moi qui ai dans ma chambre trois roubles d’argent et un quart de livre de thé pas entamé !

Il passa la nuit au commissariat de police, et ne fit, tout le temps, que ressentir du dégoût pour le poisson et songer à ses trois roubles et à son quart de livre de thé.

Le matin, à l’aube, quand le ciel commençait à bleuir, on lui ordonna de s’habiller et de marcher. Deux soldats, baïonnette au fusil, le conduisirent à la prison. On ne le faisait pas passer sur le trottoir, mais au milieu de la rue, dans la neige sale et fondante. Son estomac était toujours aux prises