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Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/170

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« Allons, Tom, dit le baronnet, poussons une reconnaissance du côté de la Croix du diable, le fermier Mangle m’a assuré qu’il avait vu de ce côté deux renards. »

Tom Moody sonne alors une fanfare et s’élance au trot, suivi de la meute, des piqueurs, des jeunes gens de Winchester, des fermiers du voisinage et de tous les gens de la campagne, qui assistent à la chasse en sabots, et pour qui ce jour est une véritable fête. Sir Huddlestone forme l’arrière-garde avec le colonel, et tout le cortége se déroule dans les profondeurs de l’avenue.

Le révérend Bute Crawley a trop le sentiment des convenances pour se montrer en équipage de chasse sous les fenêtres de son neveu. Aussi, au détour d’une allée, il débouche comme par hasard, monté sur son vigoureux cheval noir, au moment où sir Huddlestone passe avec toute la chasse ; Bute se joint au digne baronnet, et le cortége a bientôt disparu aux yeux émerveillés du petit Rawdon, qui reste encore quelques minutes tout ébahi sur le perron.

Si l’on ne peut dire que, dans le cours de ce mémorable voyage, le petit Rawdon ait conquis l’affection particulière de son oncle, naturellement froid et sévère, toujours enfermé dans son cabinet, plongé dans les livres de lois, entouré de baillis et de fermiers, du moins il réussit à se concilier les bonnes grâces de ses trois tantes, la châtelaine et les deux sœurs de Pitt, des deux enfants du château et de Jim, dont sir Pitt encourageait les démarches auprès de l’une de ses jeunes sœurs, en lui faisant entendre d’une manière non équivoque qu’il le présenterait pour succéder à son père, quand le fort chasseur de renards viendrait à laisser la place vacante. Jim avait, pour sa part, renoncé à ce genre de divertissement ; il se contentait de chasser la bécassine et le canard sauvage, ou bien de faire la guerre aux rats pendant les congés de Noël. Puis, lorsqu’il retournera à l’université, il tâchera de s’y faire bien noter. Il a déjà dépouillé les habits verts, les cravates rouges et toutes les parures qui sentent le monde : on voit qu’il se prépare à changer de condition. C’est ainsi que sir Pitt sait s’acquitter de ses devoirs de famille d’une façon économique et facile.

Avant la fin des fêtes de Noël, le baronnet avait fini par prendre l’héroïque résolution de donner à son frère un nouveau mandat sur ses banquiers. Ce petit cadeau ne s’élevait pas à