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Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/196

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tress Rawdon avait apportés dans la confection de cette toilette. Rebecca pouvait rivaliser pour le goût avec la première modiste de l’Europe ; elle avait autant d’adresse à son service qu’il en manquait à lady Jane.

Tandis que cette dernière ouvrait des yeux tout grands pour mieux voir la magnifique robe de brocart et les merveilleuses dentelles qui lui servaient de garniture, Becky disait d’une voix négligente que ce brocart était un vieux reste, que cette dentelle provenait d’une occasion, et qu’elle avait tout cela depuis un siècle.

« Mais, ma chère mistress Crawley, c’est toute une fortune que vous avez là sur vous, » répondit lady Jane en portant les yeux sur sa dentelle, qui n’était pas, à beaucoup près, aussi belle que celle de Rebecca.

Elle fut un moment tentée de lui dire qu’elle ne comprenait pas comment elle trouvait le moyen d’avoir de si belles toilettes ; mais elle arrêta tout court cette pensée sur ses lèvres, parce qu’elle la trouva désobligeante.

Il est fort probable, cependant, que lady Jane aurait dérogé, en cette circonstance, à la douceur ordinaire de son caractère si elle avait su l’histoire mystérieuse de la robe, que voici dans toute sa réalité : Alors que mistress Rawdon avait plein pouvoir de sir Pitt pour tout ranger dans la maison, elle avait, en examinant différents tiroirs, découvert de la dentelle et des robes de brocart provenant des châtelaines défuntes ; les trouvant à sa convenance, elle les avait emportées chez elle et fait mettre à la taille de sa petite personne. Briggs avait bien vu tout cela, mais elle s’était gardée de lui adresser aucune question et ne l’avait point trahie par d’indiscrets rapports. Il y a même lieu de croire qu’elle approuvait sa conduite, comme aurait fait à sa place toute fille dévouée.

« Où donc vous êtes-vous procuré ces diamants, Becky ? » lui demanda son mari en admirant les pierreries qui étincelaient avec profusion à son cou, et qu’il voyait pour la première fois.

Becky rougit un peu et prit un air maussade ; Pitt Crawley rougit aussi de son côté et regarda par la portière. C’était de lui, en effet, qu’elle tenait une partie de ces brillants ; le baronnet avait du reste complétement oublié d’en donner avis à sa femme.

Becky regarda son mari, puis ensuite sir Pitt, d’un air inso-