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Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/286

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lui offrît, puis il tira un morceau de papier de sa poche et continua.

« Vous avez certainement lu, colonel, la nouvelle que répètent tous les journaux de ce matin. Le gouvernement fait par là l’acquisition d’un homme dévoué, et si vous acceptez cette place, comme il n’y a pas à hésiter à le faire, vous aurez un excellent traitement. Trois mille livres par an, un climat délicieux, un palais magnifique, une souveraine puissance dans la colonie, et la certitude d’un avancement prochain. Recevez, je vous prie, mes sincères félicitations. Vous connaissez sans doute, messieurs, le puissant protecteur auquel mon excellent ami est redevable de cette haute marque de bienveillance ?

— Du diable si je le sais, dit le capitaine, tandis que Rawdon rougissait jusqu’aux oreilles.

— C’est à l’homme le plus généreux, le plus serviable qui soit au monde, en même temps qu’il est un des personnages les plus influents de ce pays ; c’est à mon excellent ami le marquis de Steyne.

— Nous nous verrons en face et à quinze pas de distance, avant que je prenne sa place, fit Rawdon en murmurant entre ses dents un gros juron.

— Vous en voulez à mon noble ami, dit M. Wenham avec un calme imperturbable ; mais au nom du bon sens et de la justice je vous demanderai pourquoi.

— Pourquoi ! s’écria Rawdon tout surpris.

— Pourquoi ! fit le capitaine en frappant le parquet de sa canne.

— En vérité, messieurs, fit Wenham avec le plus agréable sourire, considérez, je vous prie, la chose comme des gens du monde, comme des honnêtes gens doivent la voir, et dites alors si les torts ne sont pas de votre côté. Après une absence de quelque temps, vous rentrez chez vous, et vous y trouvez, qui ? lord Steyne soupant avec mistress Crawley. Qu’y a-t-il là de si étrange et de si propre à vous dérouter ainsi ? Mais c’est là une chose qui s’est présentée déjà plus de cent fois. En âme et conscience, je vous le jure (et ici M. Wenham posa sa main sur sa poitrine en se donnant des airs parlementaires), vos soupçons n’ont rien de fondé, et je les qualifierai à la fois de déraisonnables et d’injurieux pour le noble personnage qui vous a