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Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/297

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pour se raser les favoris ; je suis sûr que monsieur ne demanderait pas mieux. »

Les amis de M. Osborne n’admiraient peut-être pas autant que lui les espiègleries du petit bonhomme. M. Coffin n’était pas bien aise de se voir toujours interrompu à l’endroit le plus pathétique de ses narrations par les saillies de maître George. Le colonel Fogey n’éprouvait aucun plaisir à le voir trébucher à moitié étourdi par les fumées du vin. Mistress Toffy ne lui savait aucun gré des coups de coude qu’il lui donnait pour lui faire répandre son verre de porto sur sa robe de satin jaune, et des éclats de rire que poussait ensuite le garnement à la vue des taches qu’il venait de faire. Elle en voulut surtout à George d’avoir rossé un jour son troisième petit garçon qui avait un an de plus que lui, et qu’elle avait amené un jour de congé à Russell-Square. M. Osborne fut au contraire très-fier de cette victoire, et il donna deux souverains à son petit-fils en lui en promettant autant pour l’encourager chaque fois qu’il rosserait plus grand et plus âgé que lui. Nous aurions peine à déterminer ce que le vieillard trouvait de si louable dans ces luttes à coups de poing, mais il lui semblait, sans toutefois qu’il se rendît compte de cette opinion, que les enfants acquièrent par là une certaine hardiesse, et que l’un des premiers principes de l’éducation est d’apprendre à imposer sa volonté aux autres. Tel est l’esprit dans lequel on a de tout temps, il est fâcheux de le dire, élevé la jeunesse anglaise.

Tout bouffi des éloges que lui avait valus sa victoire sur maître Toffy, George désira tout naturellement récolter de nouveaux lauriers. Un jour que dans une promenade des plus fréquentées, il étalait des habits à la dernière mode, un garçon boulanger se mit à le poursuivre de ses railleries et de ses sarcasmes. Notre jeune élégant se débarrasse aussitôt de son bel habit, le remet aux mains de son compagnon, maître Todd, fils du plus jeune associé de la maison Osborne, et rempli d’un noble courage, se dispose à rosser le jeune mitron. Mais, cette fois, les chances lui furent contraires ; George fut rossé, et il rentra l’œil noir, la chemise déchirée et le nez tout en sang. Il raconta à son grand-père qu’il avait livré combat à un colosse, et fit trembler sa pauvre mère au récit détaillé et apocryphe de ce terrible engagement.

Le jeune Todd était l’ami intime, le grand admirateur de