Aller au contenu

Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/364

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous, n’était autre que notre ami George Osborne ; son oncle Joseph, sa mère et un autre monsieur qui ne les quittait plus étaient sur le gaillard d’arrière, et tous quatre commençaient leur tournée d’été.

Jos, assis sous la tente qu’on venait de lui dresser sur le pont, se trouvait juste en face du comte de Bareacres et de sa famille, dont le moindre geste occupait toute l’attention du héros de Waterloo. Le noble couple lui parut rajeuni depuis cette fameuse année du 1815 où Jos se rappelait de les avoir vus à Bruxelles, et depuis lors, il n’en parlait plus que comme de ses intimes connaissances. Les cheveux de cette vieille marquise de Carabas, autrefois d’un noir foncé, étaient maintenant d’un blond cendré qui éblouissait l’œil, et les favoris du marquis, qui, jadis, avaient été du plus beau rouge, étaient maintenant d’un noir magnifique avec de merveilleuses gammes de nuances et de reflets étincelants. Malgré ces transformations, le noble couple attirait toute l’attention de Jos, qui, lorsqu’il avait un lord devant lui, ne voyait plus rien autre.

« Voilà des gens auxquels vous avez l’air de vous intéresser vivement, » lui dit Dobbin d’un air railleur, qui fit sourire Amélia.

Mistress Osborne portait un petit chapeau de paille avec des rubans noirs et une robe de deuil. Le mouvement du bateau, les plaisirs du voyage, en la distrayant du souvenir de ses peines, répandaient sur sa figure l’expression du contentement.

« Le beau ciel ! dit alors Emmy d’une voix émue et touchante ; j’espère que la traversée sera bonne. »

Jos fit un geste magistral, et jetant un coup d’œil dans la direction des nobles personnages qu’il avait en face de lui :

« Vous ne feriez guère attention au temps, répondit-il, si vous aviez fait les mêmes voyages que nous. »

Mais, en dépit de son tempérament aguerri aux voyages, notre ami Jos resta toute la nuit très-malade dans sa voiture, où son domestique lui administra force grogs pour le remettre.

Après une heureuse traversée, le navire aborda à Rotterdam, où nos voyageurs s’embarquèrent sur un autre paquebot qui les transporta à Cologne, et là ils prirent terre dans un état de parfaite santé. Jos Sedley ne fut pas médiocrement charmé de se voir annoncé dans les journaux de Cologne sous le titre pompeux de : Sa Seigneurie lord de Sedley.

Il avait eu, du reste, la précaution d’emporter son habit de