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Page:Thackeray - La Foire aux vanites 1.djvu/132

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à la peau noire, avec un turban de travers et des yeux brillants.

Peu après, le capitaine et votre petite Rebecca dansaient ensemble. Mistress Bute s’approcha à la fin du quadrille pour me complimenter sur ma grâce à danser ; on n’en avait jamais tant entendu de l’orgueilleuse mistress Crawley, cousine germaine du comte de Tiptoff, qui aurait cru déroger en rendant visite à lady Crawley, excepté toutefois lorsque sa belle-sœur venait à la campagne. Pauvre lady Crawley ! pendant la plus grande partie de ces jours de fête, elle restait dans sa chambre à prendre des pilules.

Mistress Bute s’est tout à coup prise d’une belle passion pour moi.

« Ma chère miss Sharp, me disait-elle, envoyez donc vos élèves au presbytère ; leurs cousines seront bien aises de les voir. »

Je la vois venir. Signor Clementi ne nous enseignait pas le piano pour rien, et voilà le prix que mistress Bute voudrait donner à un maître pour ses enfants. Je suis au fait de toutes ses petites malices comme si elle prenait soin de m’en instruire. J’irai, toutefois, et je suis résolue de lui être agréable. N’est-ce pas le devoir d’une pauvre gouvernante qui n’a ni ami ni protecteur au monde ?

La femme du ministre m’a fait de grands compliments sur les progrès de mes élèves ; elle pensait sans doute me toucher le cœur, pauvre et ingénue villageoise ! comme si mes élèves me faisaient chaud ou froid.

Votre robe de mousseline et votre écharpe de soie rose me vont à merveille, à ce qu’on dit. Elles commencent à être bien usées ; mais vous savez, nous autres pauvres filles, nous ne pouvons pas avoir sans cesse des toilettes fraîches. Heureuse, mille fois heureuse, vous qui n’avez qu’à aller à Saint-James-Street, et qui possédez une tendre mère pour vous donner tout ce que vous voulez ! Adieu, mon cœur.

Votre affectionnée,------
Rebecca.

P. S. Que n’étiez vous là pour voir la mine qu’ont faite les miss Blackbrook, filles de l’amiral Blackbrook, de jolies filles, ma chère, à la dernière mode de Londres, quand le capitaine