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Page:Thackeray - La Foire aux vanites 1.djvu/307

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tira Osborne par le bras et lui dit, de son air le plus gracieux :

« Ah ça, mon cher, si cela ne vous faisait rien, je vous prierais de me donner cette petite bagatelle que vous savez. »

Cela faisait bien quelque chose à Osborne, mais néanmoins il lui remit une liasse de bank-notes qu’il tira de son portefeuille, et quelques billets à une semaine d’échéance pour compléter la somme.

Cette affaire terminée, George, Joe et Dobbin s’assemblèrent en grand conseil de guerre, au milieu de la fumée des cigares, et on arrêta que le lendemain on plierait ses tentes pour se mettre en marche sur Londres, dans la voiture découverte de Joe. Joe eût peut-être mieux aimé attendre à Brighton le départ de Rawdon Crawley ; mais Dobbin et George le forcèrent à se ranger à leur avis. Avec sa royale gracieuseté, il consentit à les ramener à Londres dans son équipage, et commanda quatre chevaux de poste : un homme comme lui ne pouvait pas moins faire. Le lendemain, après déjeuner, leur départ eut lieu avec une pompe toute seigneuriale.

Ce jour-là, Amélia se leva de bonne heure, et fit ses paquets avec une prestesse merveilleuse. Quant à Osborne, il resta au lit, gémissant de la voir manquer du secours d’une femme de chambre. La pauvre enfant ne se sentait pas d’aise d’avoir pu ainsi se suffire à elle-même. Mais un sentiment pénible et vague torturait encore son âme à l’occasion de Rebecca. Qui ne connaît la jalousie féminine ? Et, malgré les tendres embrassements du départ, nous pouvons affirmer que parmi les vertus de son sexe, Amélia possédait celle-là au suprême degré.

À côté de ces personnages dont nous venons de partager les allées et venues, n’oublions pas certains autres de nos vieux amis qui se trouvent aussi à Brighton. Miss Crawley, par exemple, et tout le cortége attaché à sa personne.

Quelques maisons à peine séparaient Rebecca et son mari de celle où miss Crawley était venue loger ses infirmités et son ennui. Malgré ce voisinage, la porte de la vieille dame leur était rigoureusement fermée ; la consigne était la même qu’à Londres. Aussi longtemps que mistress Bute Crawley resta auprès de sa belle-sœur, elle eut soin d’épargner à sa très-chère Mathilde les émotions d’une entrevue avec son neveu. Quand la vieille demoiselle faisait sa promenade en voiture, la fidèle