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Page:Thackeray - La Foire aux vanites 1.djvu/64

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disposait pas moins à en venir aux mains pour la treizième fois.

Si j’avais la plume de Napier ou de Bell, je voudrais m’arrêter à décrire au long ce combat. C’était la dernière charge de la vieille garde, ou plutôt elle devait ainsi s’exécuter un jour, car Waterloo n’avait pas encore eu lieu. C’était la colonne de Ney abordant la colonne de la Haie-Sainte, avec l’éclat de dix mille baïonnettes et couronnée de vingt aigles. C’étaient les acclamations de l’Anglais, lorsque descendant de la colline il s’élançait pour étreindre l’ennemi dans une ceinture d’acier. En d’autres termes, Cuff faisait un suprême effort, mais il revenait tout chancelant, tout étourdi. La main gauche du marchand de figues alla s’abattre comme d’habitude sur le nez de son adversaire et l’étendit pour la dernière fois sur le carreau.

« Je pense qu’en voilà assez pour lui, » dit Figs, pendant que son adversaire chancelant s’affaissait sur le gazon, comme une bille bloquée dans une blouse de billard. Le fait est que, lorsqu’on le rappela de nouveau, M. Reginald Cuff n’était plus en état, ou ne se sentait plus le moindre goût pour continuer la lutte.

Toute la bande d’écoliers poussa un tel hourra en l’honneur de Figs, qu’on en aurait pu conclure que, pendant tout le combat, il avait été leur champion préféré. Ce fut au point que le docteur Swishtail sortit de la salle d’étude pour savoir la cause de ce rugissement ; et il se disposait à châtier Figs assez rudement, lorsque Cuff, qui était revenu à lui et lavait ses blessures, se présenta et dit :

« C’est ma faute, monsieur, et non celle de Figs… de Dobbin. Je maltraitais un de mes petits camarades, et j’ai ce que je mérite. »

Ce discours magnanime évita non-seulement une correction à son vainqueur, mais lui rendit en ascendant sur ses camarades tout ce que sa défaite venait de lui ôter.

Le jeune Osborne, au sujet de cette affaire, écrivit ce qui suit à ses parents :

« Richmond, mars, 18…
« Chère maman,

« J’espère que vous allez bien ; je vous serai fort obligé de m’envoyer un gâteau et cinq schellings. Il y a eu ici bataille