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Page:Thevet - La France antarctique - Gaffarel, 1878.djvu/100

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fois essayé à sonder la hauteur de ceste montagne[1]. Et pour ce faire ils ont plusieurs fois enuoyé quelque nombre de gens auec mulets portans pain, vin, et autres munitions : mais oncques n’en sont retournez, ainsi que m’ont affermé ceux qui la ont demeuré dix ans. Pourquoy ont opiniô qu’en la dite montagne, tant au sommet qu’au circuit y a quelque reste de ces Canariens[2] sauuages, qui se sont là retirez, et tiennent la montagne, viuans de racines et chairs sauuages, qui saccagent ceux qui veulêt recognoistre, et s’approcher pour decouurir la môtagne. Et de ce Prolemée[3] a biê eu cognoissance, disant, que outre les colonnes d’Hercules en certaine isle y a une môtagne de merueilleuse hauteur : et pour ce le coupeau estre tousiours couuert de neiges. Il en tombe grade abondàce d’eau arrosant toute l’isle : qui la rend plus fertile tant en cannes et sucres que autres choses : et n’y en a autre que celle qui vient de ceste môtagne, autrement le païs qui est enuiron le tropique de Cancer demeureroit sterile pour l’excessive chaleur.

  1. Elle est encore de nos jours inaccessible, au moins pendant l’hiver. Les ascensionnistes partent d’Orotava, gravissent le Monte-Verde, et arrivent au pic par le défilé de Portillo.
  2. Les anciens insulaires ou Guanches ont en effet longtemps maintenu leur indépendance dans les montagnes de l'archipel. Voir Bory De Saint-Vincent. Les îles Fortunées. Webb et Berthelot. Histoire des Canaries. Fray Alunzo Espinosa, qui écrivait au commencement du XVIIe siècle, rapporte qu'on en rencontrait encore quelques-uns à Candellaria et à Guisnar, mais ils étaient mauvais chrétiens et haïs des Espagnols. Depuis ils ont disparu.
  3. Sic.