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Page:Thevet - La France antarctique - Gaffarel, 1878.djvu/414

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entretenir les Sauuages du païs, de maniere qu’ils viuent là paisiblement, et traffiquent de plusieurs marchandises. Et là ont basti maisons et forts pour s’asseurer contre leurs ennemis. Pour retourner au prince d’Espagne, il n’a pas moins fait de sa part, que nous auons dit estre depuis Marignan[1] vers le Ponent, iusques aux Moluques, tant deça que delà en l’Ocean et en la Pacifique, les isles de ces deux mers, et le Peru en terme ferme : Païs non encore decouuers. tellement que le tout ensemble est d’une merueilleuse estendue, sans le païs confin qui se pourra descouurir auec le temps, comme Cartagere, Cate, Palmarie, Parise, grande et petite. Tous les deux, specialement Portugais, ont semblablement decouuert plusieurs païs du Leuant pour traffiquer, dont ils ne iouyssent toutefois, ainsi qu’en plusieurs lieux de l’Amerique et du Peru. Car pour regner en ce païs il faut prattiquer l’amitié des Sauuages : autrement ils se reuoltent, et saccagent tous ceux qu’ils peuuent trouuer le plus souuent. Et se faut accommoder selô les ligues, querelles, amitiez, ou inimitiez qui sont entre eux. Or ne faut penser telles decouuertes auoir esté faites sans grande effusion de sang humain, specialement des pauures Chrestiens[2], qui ont exposé leur vie sans auoir esgard à la cruauté et inhumanité de ces peuples, bref ne difficulté quelconque.

  1. Marignan pour Maranân ou les Amazones.
  2. Il faudrait retourner la phrase ; on sait, en effet, que si du sang coula en Amérique, ce fut surtout du sang Indien. Il suffit de parcourir les histoires écrites au XVIe siècle pour en être convaincu. — Consulter surtout à ce propos les ouvrages de Las Cases.