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Page:Thevet - La France antarctique - Gaffarel, 1878.djvu/77

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nable, attribuant à une créature, voire des moindres, et soubs la puissance de l’homme, ce qui appartient au seul Createur : lequel ie ne sçaurois suffisamment louer en cest endroit, pour s’estre communiqué à nous et nous auoir exempté d’une si tenebreuse ignorance. Et de ma part, pour de sa seule grace auoir tant fauorisé nostre voyage, que nous donnant le vent si bien à poupe, nous auons tranquillement passé le destroict, et de la aux Canaries, isles distantes de l’Equinoctial de vingt sept degrez, et de nostre France de cinq cens lieues ou enuiron. Or pour plusieurs raisons m’a semblé mieux seât commencer ce mien discours à nostre embarquement, côme par une plus certaine methode. Ce que faisant, i’espere amy (Lecteur) si vous prenés plaisir à le lire, de vous conduire de point en autre, et de lieu en lieu, depuis le commencement iusques à la fin, droit, comme auec le fil de Thesée, obseruant la longitude des païs et latitude. Toutesfois ou ie n’auroys faict tel deuoir, que la chose et vostre iugement exquis meriteroit, ie vous supplie m’excuser, considerant estre mal aisé à un homme seulet, sans faueur et support de quelque Prince ou grand Seigneur, pouuoir voyager et descouurir les païs lointains, y obseruant les choses singulieres, n’y executer grandes entreprises, combien que de soy en fust assez capable. Et me souuient qu’à ce propos dit tres-bien Aristote, qu’il est impossible et fort malaisé, que celuy face choses de grande excellence et dignes de louëge, quand le moyen, c’est à dire, richesses luy defaillent : ioinct que la vie de l’homme est breue, subiecte à mille fortunes et aduersitez.