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Page:Thibaudet – Trente ans de vie française – Volume I.djvu/137

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privée et publique. Il est clair que tout est sommeil et déchéance hors de là. Sans cela, tout est perdu de ce qui fait l’homme. À moins de cela, mon cher Glaucon, avoue Socrate dans Platon, il n’est point de remède aux maux qui désolent les États, ni même à ceux du genre humain. »

Ce sont les derniers mots du livre de M. Maurras sur le Pape, la Guerre et la Paix. Et la citation de Platon vient à point pour nous faire ressouvenir qu’au IVe siècle Platon pensait déjà de même sur la nécessité d’un pouvoir spirituel, — que ses vœux furent d’abord stériles, — qu’ils furent quelque peu réalisés longtemps après lui, comme il arrive toujours, de la manière à laquelle il se fût attendu le moins, — et qu’ainsi le monde et l’humanité eurent une existence non à vrai dire divine, mais humaine, qui valait tout de même la peine d’être vécue.

IV
LE POSITIVISME

M. Maurras appelle Auguste Comte « le maître de la philosophie occidentale[1] ». Sa philosophie est « éminemment française, classique et romane », en ce qu’elle incorpora la règle à l’instinct, l’art à la nature, la pensée à la vie[2]. On conçoit les colères de M. Maurras contre M. Bergson qui, discernant une incorporation de ce genre dans toute philosophie et dans toute intelligence (« Nous naissons tous platoniciens ») en a fait la psychologie critique de la même encre dont Adrien Sixte écrivait une Psychologie de Dieu. Contre ce retour de la Marthe syrienne, M. Maurras s’est cantonné avec plus de rigueur et de défi sur ses hauteurs d’Aristarchè. Il y a repensé fortement le positivisme de Comte. « Comte écrit et pense rudement. Sa philosophie a la puissance, mais la condensation et l’austérité d’une algèbre. Il faut gravir longtemps pour arriver au belvédère qui donne sur un beau paysage

  1. Enquête, p. 495.
  2. L’Avenir de l’Intelligence.