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Page:Thibaudet – Trente ans de vie française – Volume I.djvu/167

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jusqu’au bout à voir que le catholicisme était la religion de la minorité des Français. La force des choses, le régime de la séparation l’amèneront sans doute à se considérer d’un œil plus clair, d’où probablement une Renaissance catholique et une plus grande paix publique.

« Une nationalité où règne l’unité de la foi religieuse échappe à l’influence de ces courants d’idées profondément étrangers, radicalement destructeurs, tels que Bayle, Rousseau, Mme de Staël, George Sand, Quinet, Michelet et Hugo en introduisirent chez nous[1]. » Dans la fête aux idées qu’est l’œuvre de M. Maurras, on ne fait jamais beaucoup de pas sans se trouver devant ce jeu de massacre et la même ligne de têtes abattues. Parmi les avantages de l’unité, M. Maurras voit donc pour un peuple l’avantage de se suffire intellectuellement à soi-même ou de ne rien tirer de l’extérieur que sous certaines conditions d’affinité et de contrôle. L’unité est un gage de protectionnisme spirituel. D’autre part voici une très bonne page de M. Maurras : « Le XVIIe siècle français monta comme un soleil sur les champs de bataille de l’Europe. Il versa avec sa puissance et sa gloire le raffinement de l’esprit et la politesse des mœurs, le culte des sciences, l’amour des lettres et des arts, une direction intellectuelle et morale acceptée du monde entier avec joie et reconnaissance, recherchée avec curiosité et passion. Cela se prolonge bien au-delà du temps que dura le bonheur des armes du grand roi. Toute la première moitié du XVIIIe siècle en Europe, et je dis en Suède, en Russie autant qu’en Allemagne et en Angleterre, porta spontanément les couleurs de notre civilisation nationale. De tels reflets supposent un foyer magnifique. Pouvons-nous oublier d’où venaient, d’où sortaient tant de lumières ? Et comment nous résoudre à nommer inutiles ou absurdes ces conflits et ces guerres, pères et mères de tout, conflagrations qui aboutirent à construire cet ordre, à faire cette paix, à créer tant de vertus et de beauté[2]. » Paraphrase du mot de Bossuet quand il se demande si la Fronde ne semblait pas les convulsions de la France prête à enfanter le règne miraculeux de Louis. Mais alors ces conflits et ces guerres, et surtout cette diversité, cette opposition préparatoire à une riche fusion, elles étaient nécessaires pour donner à l’unité dans la mesure où le XVIIe siècle représente une unité, (et dès qu’on y regarde de près cette mesure diminue), son ton, son énergie, son mordant vigoureux et vivace. Elles sont prises

  1. La Politique Religieuse, p. 46.
  2. Quand les Français ne s’aimaient pas, p. 192.