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Page:Thibaudet – Trente ans de vie française – Volume I.djvu/208

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I
LE ROMANTISME

« Ceux qui sont satisfaits n’auront pas à ouvrir ce livre que je soumets à la raison de tous les Français mécontents. » Ainsi débute l’Enquête sur la Monarchie. Les premiers sujets du futur roi de France sont, comme il convient, ces sujets de mécontentement dont Rochefort voyait la France de 1869 peuplée. Ils ont en général les origines les plus diverses, et proviennent le plus souvent, ainsi qu’il est naturel et humain, de mécomptes personnels. La raison suit naturellement, comme l’ombre le corps, ces menus déboires que la République des camarades, avec la facilité et la débonnaireté de ses mœurs, multiplie autant et plus que tout autre régime. Si M. Maurras exerce un règne spirituel sur le peuple de ces sujets, personne ne pensera que son mécontentement à lui prenne sa source dans des terrains aussi communs et aussi bas. Ce mécontentement est lui-même royal et misère de roi dépossédé, il appartient à une démarche de sa raison, à tout un ordre de hauteurs, de glaciers blancs, de théorie esthétique et de pensée historique.

M. Maurras remonte loin dans le passé pour y trouver le principe de notre désordre. La grande lézarde sur notre vieille maison a ses origines dans les tremblements de terre de la Réforme et de la Révolution. Puis le temps l’a comblée d’une terre végétale qui la masquait et la faisait paraître belle et qu’au printemps et à l’été toutes les fleurs de muraille dissimulaient sous des écharpes d’or. Cette terre végétale et ces fleurs ce fut la littérature romantique. M. Maurras reporte en colère sur elle toutes les angoisses que lui inspire la maison branlante. Cet éclat qui pare les ruines depuis Châteaubriand, il le considère d’une âme d’architecte. Sa première opération de police consista à nettoyer : romantisme, campagne critique anti-romantique et cette pure faucille d’or des Trois Idées Politiques ont frayé le chemin à sa grande campagne de reconstruction française. Nous ne sommes pas en République, disait l’ancien archevêque d’Aix, mais en maçonnerie. Pour M. Maurras nous sommes en République parce que nous sommes en romantisme.