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Page:Thibaudet – Trente ans de vie française – Volume I.djvu/319

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CONCLUSION

Cette pensée de M. Maurras, qui sent le pin et l’olivier, la cigale et le soleil, sanatorium parfait pour la cure d’un esprit ou d’une génération surmenés, il faut la louer de son influence, et il faut nous en louer nous-mêmes. Elle fait honneur à lui, honneur à une jeunesse qui a reconnu en elle quelques-unes de ses propres, de ses fraîches puissances ; mais aussi on peut en dire ce que lui-même, qui n’est pas catholique, dit de la place, du rayonnement et de l’action de l’Église catholique : qu’« organe autonome de l’esprit pur » elle doit intéresser fortement ceux qui vivent de l’esprit, leur fournir, quelles que soient les directions et le résultat de leur vie spirituelle, un motif de fierté et de foi. Une pensée pure, éprise de belles formes, soucieuse de solidité, animée par une idée claire de la patrie, a pu agir par ses parties hautes, créer un public, former une opinion, devenir un corps lumineux et vivant, tirer de sa valeur spéculative l’être et le mouvement. On songerait l’Avenir de 1831 si l’Avenir ne s’était au bout de quelques mois arrêté dans une impasse. L’Avenir s’arrêta dans une impasse ; mais il inspira en somme la politique et les victoires du parti catholique pendant la monarchie de Juillet et la deuxième République. Pareillement il est probable que, selon le rythme ordinaire des affaires humaines, le mouvement d’idées créé par M. Maurras se retrouvera en des valeurs et en des résultats futurs, sous des formes peut-être fort différentes de celles qu’il arrête en termes exclusifs, définis et durs.

Exclusifs, définis et durs parce qu’exclure, définir, solidifier constituent pour M. Maurras les actes supérieurs de l’esprit. Il vit dans un monde réel de « vérités », de principes, de maximes, de tout ce qui est nécessaire pour fonder et maçonner une cité politique et religieuse. Montaigne pensait peut-être un peu étroitement, le jour où il écrivait :