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Page:Thibaudet – Trente ans de vie française – Volume I.djvu/36

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M. Piou, et il achève sa vie ainsi que cet homme politique en des désillusions. Mais, par l’analyse de cette idée de compétence, les socratiques arrivent à l’idée d’hérédité, à l’idée du roi. Le Xénophon de la Cyropédie, le Platon du Politique et des Lois, en font preuve.

C’est ensuite la réflexion sur les causes de la supériorité dont témoignent dans leur lutte contre Athènes les états étrangers, l’exemple de Sparte, de la Perse, de la Macédoine. Les orateurs, les professeurs, les publicistes athéniens prononcent, écrivent par fragments, pendant soixante ans, leur Kiel et Tanger. Dans la politique de Sparte ils admirent la continuité de vues, analogue à celle du cabinet de Saint-James, continuité assurée par l’oligarchie des éphores et l’artifice constitutionnel de la monarchie divisée, équilibre savant qui permet à Sparte de neutraliser chez ses rois un Pausanias du même fonds dont elle utilise un Agesilas. — Les rois de Perse, bien qu’ils représentent pour un Grec l’ennemi héréditaire, le Barbare vaincu sur les champs de bataille, un candidat à la qualité de Grec comme l’Allemand est pour M. Maurras un « candidat à la qualité de Français », et bien que leur nullité personnelle, après Darius, ne soit un mystère pour aucun Grec intelligent, les rois de Perse sont respectés et redoutés comme les chefs d’une diplomatie artificieuse et savante, qui sait réparer par la ruse patiente et par la force de l’institution monarchique les désastres subis à la guerre : de sorte que les destinées des républiques grecques finissent par se régler à Suse, et que, peu après la retraite des Dix Mille et l’expédition d’Agésilas, le traité d’Antalcidas, établissant la paix du Grand Roi, apporte à la Perse, un triomphe analogue à celui de l’Autriche de 1815. — Enfin les discours de Démosthène nous montrent à l’état nu, dans la lutte contre la Macédoine, le contraste entre la faiblesse, la discontinuité démocratiques et la décision, la concentration, la persévérance d’un roi.

Mais il est piquant que bien mieux que dans Démosthène nous retrouvions l’essence rationnelle des idées de M. Maurras dans Isocrate lui-même. Et s’il est exact que, comme je le crois, Isocrate ne conçut jamais une idée personnelle, ne fut que l’écho sonore et le rhéteur périodique des opinions qui passaient devant la porte de son école, si ces idées étaient déjà de son temps des lieux communs de rhétorique, la rencontre n’en devient que plus intéressante. Lisez les quatre paragraphes V à VIII du discours qu’il place dans la bouche de Nicoclès, vous y verrez tous les arguments essentiels de l’Enquête sur la Monarchie.