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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/48

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Avec le professeur Picrate, Charlot n’était pas au bout de ses étonnements. À peine venait-il de prendre auprès lui de ses fonctions de garçon de laboratoire que ce savant génial le conviait à admirer les effets de la puissance du liquide de son invention destiné à rendre invisibles choses et gens. « Voyez, lui dit-il, j’ai rempli de ce liquide cette seringue-vaporisateur. J’en projette un léger nuage sur ce pot de fleurs et voici le résultat. Eussiez-vous la puissante vue du lynx qu’il vous serait impossible de voir l’ornement floral qui garnissait cette commode. — Ça, c’est plus fort que tout ! » s’écria Charlot au comble de l’admiration. Aussi n’eut-il plus qu’un désir en tête : s’emparer de la seringue-vaporisateur afin de l’expérimenter à son tour, à tort et à travers, au gré de sa fantaisie. L’occasion de réaliser son désir ne se fit pas trop attendre, le professeur Picrate s’étant endormi pour sa sieste quotidienne. Charlot prit la seringue et la porte en même temps en proclamant :

« On va rigoler cinq minutes ! » Dans la rue, il vit un monsieur et une dame en grande conversation. « Tentons l’expérience ! » se dit-il. Il s’arrangea pour opérer sans être vu ce qui lui fut assez facile du fait que ses futures victimes étaient si fortement absorbées par les petits potins du quartier qu’elles ne prêtaient aucune attention à ce qui se passait autour d’elles. Quelques coups de la seringue-vaporisateur suffirent à transformer les deux bavards. « Ciel ! que vous est-il donc arrivé ? demanda la dame. — Ben, et à vous ? » S’écria le monsieur. Il est vrai que certaines parties de leur individu étant devenues invisibles, il y avait de quoi s’étonner à la vue de ce qui en restait, Charlot ne s’éternisa pas à contempler ce spectacle et il alla porter plus loin ses expériences. Par la fenêtre ouverte d’un rez-de-chaussée, il lui fut donné d’admirer une scène touchante d’intimité. Il s’agissait d’un neveu qui venait offrir, avec ses vœux de santé et de bonheur, quelques fleurs à sa bonne tante à héritage dont c’était justement l’anniversaire.

Il avait préparé un compliment qui se terminait par ces mots : « Si vous pouviez, ma chère et vénérée tante, vous installer au milieu de ce bouquet, cela ferait une fleur de plus. » D’un coup de seringue-vaporisateur, Charlot réduisit à néant ce beau discours en rendant les fleurs invisibles et, ne voyant que les tiges, et outrés de cette plaisanterie, la tante coiffa son neveu de son mépris et d’un vase destiné à recevoir le bouquet attendu. Charlot s’en alla sur la pointe des pieds. Plus loin, il vit un gangster pris de frayeur à l’idée du châtiment qui l’attendait pour le cas où il serait pris, après le mauvais coup qu’il projetait, « Je joue ma tête ! » laissa-t-il échapper tout haut. Charlot entendit cet aveu. D’un jet du vaporisateur, il rendit invisible cette face de brute. « Malédiction ! je suis décapité d’avance ! » s’écria le gangster en se voyant dans une glace. « C’est très amusant | » dit Charlot.