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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/127

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LÉGENDE DE DUCCIO ET D’ORSETTE

Il était alors un bel adolescent, brun comme la châtaigne, vigoureux de tout son corps que la discipline monastique et le dur climat avaient fortifié. Les souvenirs de son enfance étaient morts en lui. De tout le passé, il n’avait retenu que le doux visage de sa mère et la chambre de Poppi, peinte de feuillages et d’animaux. Le Père abbé voulut lui apprendre à lire, mais il fut un écolier médiocre, à cause de sa grande force corporelle et de l’ardeur de son sang. Aussi l’employait-on à des travaux manuels très pénibles, comme de couper des arbres ou de charroyer des pierres, car de tels exercices conviennent aux garçons que l’ardeur du sang tourmente et que la jeunesse enivre comme un vin.

Ainsi, presque sans y penser, Duccio pratiquait les vertus chères à saint François : il était humble, parce qu’il vivait parmi les plus humbles des moines ; pauvre et se trouvant riche d’une vieille robe rapiécée ; chaste sans effort ni mérite, puisqu’il n’avait jamais parlé à aucune femme, depuis la mort de sa mère. Il était donc parfaitement heureux, et l’on espérait voir renaître en lui la naïveté du frère Genièvre et la pureté du frère Léon. Son plus