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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/137

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LÉGENDE DE DUCCIO ET D’ORSETTE

salutaire exercice pour l’âme, à la condition que l’âme se fasse très humble et se laisse diriger par ceux qui ont charge d’elle. Duccio, à son insu, péchait par orgueil autant que par concupiscence. Il se flattait de repousser, seul, l’assaut démoniaque, et bientôt il douta même qu’il y eût du péché dans un souvenir involontaire et dans un sentiment de fraternelle charité.

Un dimanche, à la troisième heure après midi, les moines ayant achevé l’office de vêpres, firent leur procession quotidienne à la chapelle des Stigmates, suivis par une foule de pèlerins venus de l’Ombrie et de la Romagne. Frère Duccio, marchant à son rang, sortit de l’église. Quel fut son étonnement lorsqu’il vit, agenouillée à l’écart et n’osant se mêler aux pèlerins, la femme à la robe de velours noir, maintenant sauvée et guérie ? Son visage aminci était pâle et couvert de pleurs. Un voile cachait ses tresses blondes. Ses yeux verts, que Duccio ne put regarder sans un frisson, semblèrent chercher les yeux du novice. Ce fut tout. La procession s’éloigna sur le chemin taillé dans le roc, et la foule, se pressant, cacha la pénitente trop belle, qui dut partir le même jour, car on ne la revit jamais.