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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/186

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FIGURES DANS LA NUIT

— Un moment, citoyen… Vous ne me quitterez pas sans avoir goûté une vieille liqueur que j’ai rapportée des Îles.

Corentin desservait la table. M. de Kerdren lui adressa quelques phrases en breton et le silencieux domestique inclina la tête, les yeux fixés sur l’étranger.

— Je lui ai dit de bien soigner votre cheval parce qu’il doit fournir une longue course, dit M. de Kerdren en éclatant de rire, comme il faisait, sans aucune raison qui expliquât cette convulsive hilarité.

Il avait pris un flacon et des verres inégaux dans un bahut.

— Goût ceci, cher Léonidas-Brutus ! Un peu du soleil de la Martinique est resté dans cet élixir fabriqué par des négresses. Je n’en puis boire qu’une gorgée, à cause de la débilité de mes nerfs et de mon estomac, mais, à toi qui est jeune, cette liqueur donnera des forces inconnues.

— Ma foi ! dit Mazurier, cela est bien bon !

La liqueur, douce et brûlante, coulait en volupté dans ses veines. Il n’avait plus aucune envie de partir.

— Oui, bien bon !… Cela passe en délicatesse le vieux kirsch et le meilleur curaçao