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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/203

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LA SIRÈNE DE KERDREN

l’arsenal de Brest. Mon grand-père Ronan, qui avait été voir le gabier Trédellec et qui connaissait l’aventure de l’homme-marin, pria l’amiral de lui donner la redoutable Sirène au lieu de la faire brûler, comme païenne et sorcière. Il l’obtint facilement et l’emporta dans son château, où le recteur de Kerdren vint l’exorciser et la bénir. Depuis, scellée à la muraille de cette chambre, elle n’a cessé de protéger les Kerdren. Bienfaisante à nos amis, redoutable à nos ennemis, elle défend la maison et ses hôtes, mieux qu’une troupe de gens armés.

» Et l’on a mis cette histoire en complainte…


Le feu baissait. Une des chandelles fumait en grésillant. M. de Kerdren ne raviva point le feu et ne moucha point la chandelle. Dans le fond obscur de la salle, la grande Sirène fascinait, de ses prunelles ternies, Mazurier qui se sentait couler à l’abîme.

Un peu de liqueur restait dans son verre. Il but, pour se ranimer, mais un vertige emporta ses pensées dans une longue spirale tournoyante.

Grêle et vieillotte, une petite voix chantait,