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SAINT JEAN LIBÉRATEUR

sait naguère sous les noyers de son presbytère de Lapleau, où la Révolution – personnifiée par le procureur syndic Jacques Brival – était allée chercher, en 1791, le pauvre curé de campagne pour l’asseoir sur le trône épiscopal de la Corrèze. À quoi songeait M. Brival durant cette promenade solitaire dans le jardin étouffé de grands murs ? Quels remords accablaient cet homme de soixante-six ans, qui avait été un bon prêtre et qui n’osait plus, devant témoins, ouvrir un bréviaire ? Songeait-il à sa vie passée, à sa douteuse grandeur, au scandale de son élection, lorsque, pour remplacer M. Rafelis de Saint-Sauveur, chassé de son diocèse, l’Assemblée populaire donna trente voix au proscrit, trente au grand sultan, cinq au Diable et le reste à l’abbé Brival ? Rêvait-il de secouer le joug posé sur sa tête, avec la mitre illégitime, par deux hommes redoutables : son neveu le procureur Brival, et l’abbé Jumel, ex-vicaire épiscopal, surnommé le Père Duchesne de Tulle ? L’un et l’autre, également, gouvernaient l’évêque, et l’évêque les redoutait également. Insurgé contre l’autorité canonique, Brival n’avait pas l’âme d’un révolté. Il était fin, cultivé, de bonnes mœurs, mais faible, de cette faiblesse qui