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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/225

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SAINT JEAN LIBÉRATEUR

toujours oscillante entre le mal et le bien, et qu’une force étrangère poussait vers le mal. Ses intentions valaient mieux que ses actes, mais les intentions restent cachées et les actes sont patents. Aussi, le mépris de tout le peuple fidèle s’exhalait-il vers Brival comme s’exhale, en été, des eaux de la Solane, une puanteur de corruption. Un anonyme l’avait stigmatisé d’un nom symbolique et terrible. L’évêque de la Corrèze était devenu, pour les bons chrétiens, l’« évêque de la Solane ». Il le savait. L’injure tombait sur lui, des fenêtres closes, à son passage, s’inscrivait sur les murailles de son palais, commentait les caricatures charbonnées par les gamins. Et jamais il ne lisait le surnom infâme, ou ne l’entendait, sans frémir.

Dès lors, il évita de sortir, et son jardin fut son seul refuge, mais l’été venu, l’odeur de l’infect ruisseau, collecteur d’immondices, empuantissait les alentours. Écœuré, M. Brival se résigna donc à passer les heures chaudes dans la chambre où, cent ans plus tôt, Mascaron, prélat spirituel et disert, écrivait à mademoiselle de Scudéry. L’appartement était resté tel qu’au xviie siècle, avec ses belles boiseries brunes et ses ver-