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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/237

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SAINT JEAN LIBÉRATEUR

Depuis que Bonnefont était en tiers, Jumel accentuait son type et forçait son rôle de Père Duchesne, tandis que M. Brival, qui avait souri à l’arrivée du savetier, redevenait triste, avec de la honte dans sa tristesse.

Le bonhomme regardait l’un et l’autre, comme un enfant regarde les grandes personnes, créatures incompréhensibles dont aucune action ne l’étonnera. Agenouillé devant Brival, il défit le nœud de son sac et sortit une paire de souliers.

— Voilà, dit-il, citoyen Brival — il ne prononçait jamais le mot « évêque » — voilà vos souliers, beaux comme neufs. Chaussez-les, je vous prie, tout de suite.

— Tout de suite ?

— Il faut que je voie s’ils ne vous blessent point… Je ne le crains guère, mais je veux que vous me disiez vous-même : « Bonnefont, c’est du beau travail. »

Tout en parlant, il déchaussait Brival.

— Ah ! le citoyen a des bas percés ! J’en ferai reproche à Catherine Peuch, qui ravaude le linge de monsieur Brival et de monsieur Jumel… Levez un peu le pied, citoyen ! Posez-le… Là ! Le soulier s’ajuste comme un gant… monsieur Brival pourrait marcher quatre lieues