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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/259

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SAINT JEAN LIBÉRATEUR

et laissait traîner jusqu’aux collines couronnées de feux rougeâtres, ses franges aériennes, flottantes dans l’air tiède et bleu, et toutes mêlées de clair de lune.

La procession serpentait par les rues étroites ; elle surgissait sur les places ; elle gravissait les collines, de l’Alverge au Petit-Calvaire, de la Madeleine à la Bachellerie et à La Chapelle-des-Malades, dessinant un cercle de lueurs et de voix, rempart mystique autour des remparts de pierre. À chaque oratoire, le saint se reposait, et, là, les paysans des hameaux voisins cuisinaient en plein vent des crêpes et tiraient du vin au tonneau, pour restaurer les pèlerins, tandis que les complaintes patoises et le son des chabrettes remplaçaient les hymnes latines. Quand le Tour était accompli, le cortège rentrait en ville. On reconduisait le saint à la cathédrale ; et, sur les places illuminées, la fête devenait une réjouissance bachique, autour des brasiers crépitants, au son des musiques paysannes, parmi les bourrées qui tournaient en tapant du talon, et les grands sauts des jeunes hommes franchissant les flammes, jusqu’à cette heure où la lune déclinante pâlit au frisson du matin.