Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/26

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enroulée retenait collés au corps et les pieds entravés par une autre bandelette. La beauté de Philinnion, son langage bizarre, la nuit, le silence, cette odeur de myrrhe et de roses qui se diffusait dans la chambre, enfiévrèrent Machatès de volupté. Il ne voulut pas effrayer la jeune femme en l’interrogeant, et se levant du lit :

— Sois la bienvenue, dit-il, ô Philinnion ! Voici ma coupe et voici quelques fruits mûrs. Bois et mange à ta volonté, et s’il te plaît de rester muette, ta beauté parlera pour toi.

Avec son couteau, il trancha les bandelettes, puis il enleva la couronne d’or, et libéra les tresses, pareilles à des serpents violets dont les anneaux pesants se déroulèrent sur la robe verte. Philinnion ne bougeait pas. L’Athénien lui présenta la coupe et la corbeille. Sans mot dire, elle goûta le vin et les fruits. Une vague nuance rose courut sur sa pâleur. Ses grands yeux s’éclairèrent d’un reflet obscur et trouble comme l’eau noire dans un puits profond. Alors, Machatès désira le baiser de cette bouche fardée et la caresse de ces mains froides dont les doigts maigres avaient des ongles dorés.