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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/65

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SOSIPATRA ET LA COURTISANE

l’ombre, bleus au soleil, des cils bruns, des cheveux pareils au bronze que le ciseleur n’a pas doré. Sa bouche ? Une baie de rosier. Son menton ? Un bijou d’ivoire. Ses joues ? Deux bouquets de fleurs. Et avec cela, tant de grâce, tant de douceur et de gentillesse ! Sosipatra ne criait jamais, ne pleurait jamais, ne se mettait jamais en colère. Son père la chérissait. Les servantes en étaient folles, et toutes les jeunes mères, affligées d’enfants criards, sales, désobéissants ou stupides, desséchaient de jalousie.

Cependant Chrysippe négligeait ses terres. La maison et le jardin où Rhodanthe avait connu tant de bonheur étaient odieux au pauvre mari. Il n’y allait plus qu’une fois l’année, dans la saison des vendanges, et s’en remettait, pour toutes choses, à l’expérience d’un vieux fermier, Phocas, homme simple, qui n’aimait au monde que la vigne. Mais la vigne, tu le sais, Eustokhie, est capricieuse comme la chèvre ; elle ne donne pas toujours ce qu’on lui demande ; elle a aussi des maux qu’il faut soigner. D’année en année, malgré la sollicitude de Phocas, les vignes de mon bisaïeul dépérissaient. Le raisin était grêle et rare. Le septième automne après la naissance