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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/107

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bandeaux soyeux, les paupières, la joue moite et rose, la bouche qui s’ouvrit comme une fleur et rendit le baiser en le recevant. Un nuage passa sur le soleil et s’envola, laissant luire la lumière délivrée. Un train siffla, très loin. Un pinson, voletant de branche en branche, chanta un instant dans les bouleaux. Étienne et Jacqueline ne voyaient rien, n’entendaient rien… Une volupté périlleuse leur venait de la solitude, du silence, de l’air alourdi de parfums. Il prévit l’inévitable vertige et soudain il se releva, il passa sa main sur son front comme un dormeur qui s’éveille. Jacqueline, immobile et muette, souriait toujours.

— Jacqueline ! dit-il tout haut.

Elle tressaillit et rouvrit les yeux. Ils se regardèrent sans rien dire, jusqu’au fond de l’âme avec l’anxiété d’être trop bien compris. Puis Étienne proposa :

— Si nous marchions un peu ?… Il y a trop de fleurs ici, on y respire le malaise.

Elle pâlit un peu, comme si elle avait attendu d’autres paroles, un regard reconnaissant, une supplication peut-être, délicieuse à entendre, même quand on doit la repousser… Ils sortirent du ravin aux jacinthes, de cet Éden embaumé et fleuri, conseiller de volupté. Mais ils ne savaient