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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/141

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vieilles dames, Jacqueline ouvrit la lettre de Chartrain. Une feuille pliée glissa, où elle vit avec surprise l’écriture de son mari. Le pressentiment d’une catastrophe la glaça, mouillant de sueur le creux de ses mains, ses tempes, son front pâle… Un billet d’Étienne était joint à la lettre de Paul…

Jeudi soir.

« Jacqueline, venez ! Il faut que je vous parle… J’étais trop heureux hier. Cette lettre que vous lirez, cette lettre fraternelle, m’a rejeté dans l’abîme, en face de la réalité. Notre songe est fini ; notre bonheur écroulé. Je sors du rêve. Je retombe dans la misère et la douleur… Venez ! Essayons de vaincre la fatalité et nous-mêmes, tant que l’irréparable n’est pas consommé. L’absent est entre nous. Je n’en puis écrire davantage.

» ÉTIENNE. »

Jacqueline resta anéantie. Elle relut plusieurs fois le billet d’Étienne, puis la lettre de Paul, une longue, affectueuse lettre dont les termes, exprimant l’estime et la confiance, avaient bouleversé Chartrain. Puis elle ferma les yeux, appuyée aux capitons gris du wagon. Son cœur battait plus fort, heurtant sourdement sa poitrine, sous le sein gauche qu’elle sentait douloureux et meur-