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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/152

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— Asseyons-nous un moment, dit Étienne… Vous avez un peu pâli. Vous êtes fatiguée peut-être ?…

— Un peu.

Il pensait : « Dire que je l’aime, qu’elle m’aime, que je lui ai donné mille baisers ! Et nous nous parlons comme des étrangers ! »

Il n’osait parler de leur amour, interroger Jacqueline. Il aurait dit trop ou trop peu. D’ailleurs, elle dut partir après quelques minutes de banale conversation, dont Étienne ne retint que cette phrase :

— Ce que je fais, là-bas ?… Je me souviens.


Elle se souvenait, en effet, obsédée par le passé qui multipliait les images d’Étienne dans les bois si souvent parcourus ensemble. Elle errait, seule, de la Patte-d’Oie à Villebon, des bruyères de Sèvres aux hêtres de Trivaux. Assise au bord des étangs, sous le ciel blanchâtre où des trouées bleues apparaissaient, elle ouvrait un livre, pendant que les chênes bruissaient au vent et qu’au loin claquait un battoir de laveuse. Le vol des libellules dansait dans un rayon. Une fraîcheur montait de l’eau muette. Puis le jour s’écoulait, le crépuscule souriait sous le ciel de perle, derrière les