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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/154

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à l’absente

Nous nous sommes assis sous les marronniers roses
Dans le vieux parc muet, solennel et charmant.
Un soir nacré mourait au firmament…
L’impérieux devoir tenait nos lèvres closes.

Et ce printemps, pareil aux printemps d’autrefois.
Évoqua la douceur des saisons bienheureuses
Que parfuma la fleur de nos amours peureuses…
Et je rêvais aux soirs contemplés dans les bois.

Et mon âme, amoureuse et grave pèlerine,
      En voyage partait vers vous,
Fraîches forêts, ciels purs, air balsamique et doux
Et vif comme l’air vif de la grève marine !

Ô sentiers familiers à mon pas diligent,
      Silence embaumé des allées.
Sourire des étangs lointains dans les vallées,
Verte plaine où tremblaient des peupliers d’argent !
 
Oh ! les chemins d’amour, les haltes reconnues,
      L’âme de la jacinthe en fleur.
Et la lumière ardente et l’ardente chaleur,
Et l’or au ciel au bout des sombres avenues !

Chère, les fins bouleaux et les grands marronniers
Se souviennent encor de nos courses furtives.
Des baisers où chantaient, sur nos lèvres plaintives,
Le rêve et le désir en nos cœurs prisonniers.

Voici qu’un souvenir se lève en ma mémoire :
Le porche des tilleuls, sombre sous un ciel vert,
Et Paris à nos pieds, Paris, comme une mer
       Lointaine, lumineuse et noire !