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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/16

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venir à lui, avec ce geste de la main tendue, ce demi-sourire, cette ombre câline et flottante des cils, cils de brune sur des yeux de blonde… Tant de fois l’odeur de ses robes a imprégné l’atmosphère chaude du petit salon, les tentures de soie ancienne presque roses dans ce demi-jour, presque orangées dans la lumière…

C’est une jolie femme, une tendre femme, qui traîne beaucoup de désirs après elle, et qui pourrait aimer, si elle avait le temps… Aimer qui ?… Étienne Chartrain ?… Non certes. Il est trop vieux Il a quarante ans passés, ce qui est la pleine jeunesse amoureuse pour les hommes du monde… Mais Chartrain n’est pas un homme du monde : un artiste, un savant, de l’espèce timide, une âme de myosotis bien démodée en 1894… Et puis, il croit aux devoirs de l’amitié ; il a des fiertés et des scrupules… Seul au monde, brouillé avec une très méchante vieille mère qui habite la province, Étienne Chartrain se console de tout dans l’intimité des grands musiciens. Il les commente, il répand leur culte, il les fait aimer, et puisque le prêtre vit de l’autel, il vit modestement de ses livres.

Une voix, des pas sur le balcon… C’est Jacqueline. Elle n’a pas mis sa robe blanche.