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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/170

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— Ma Jacqueline ! dit Étienne à genoux.

Elle ouvrit les lèvres sans pouvoir parler… Elle était sur le cœur de Chartrain, baignée de ses larmes, brûlée de ses baisers, étourdie des paroles qu’il balbutiait sur sa bouche. Elle cédait, dans une torpeur plus douce que l’évanouissement… Madame Mathalis reparut… Jacqueline sentit qu’on lui jetait un manteau sur les épaules… Puis ce fut l’ombre de l’escalier, le coup sourd de la porte, le roulement de la voiture. Et là encore, dans les ténèbres, les étreintes, les aveux de Chartrain éperdu. Que disait-il, que jurait-il, avec ces pleurs et ces soupirs et cette voix brisée ? Jacqueline n’en savait rien. Elle n’avait conscience que du bonheur d’être auprès de lui, livrée à sa volonté souveraine. Et lui non plus ne raisonnait pas. L’amour déchaîné et furieux, déferlant comme une mer, rompant les digues fragiles des conventions et des devoirs, les roulait tous deux dans ses grandes vagues.

La voiture s’arrêta. Ils descendirent, et ce fut, rythmée de baisers, la montée du vieil escalier tant de fois gravi par les pieds impatients de l’amoureuse. Dans le cabinet d’Étienne, les fenêtres étaient ouvertes et le ciel, déblayé par le vent, montrait les rares étoiles, veilleuses d’amour allu-