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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/194

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Chartrain subit donc la loi commune. Il se résigna aux fatalités de sa faute, non sans en souffrir, mais sans se révolter. Et puis, malgré tout, il lui fallait bien en convenir, ses chagrins étaient compensés, largement, par l’amour de Jacqueline. La vraie passion crée des chefs-d’œuvre, comme le génie. Et c’étaient les chefs-d’œuvre qu’accomplissait la jeune femme, chefs-d’œuvre de sollicitude, de tendresse, de tact délicat. Elle savait prévenir les accès, calmer les fureurs, prolonger par des lettres quotidiennes le bonheur des rendez-vous. Et sur ces lèvres toujours offertes, Étienne trouvait une ivresse plus subtile que la lourde ivresse de la chair. Il goûtait dans l’oubli l’unité divine, la certitude d’aimer absolument et d’être uniquement aimé.

Pourtant, vers le milieu de l’hiver, il vit avec chagrin que le monde lui prenait Jacqueline. Les premiers succès de Vallier avaient élargi le cercle de ses relations, et chaque soir c’étaient des dîners, des bals, des parties carrées avec quelque couple, au théâtre ou au cabaret. Jacqueline, délivrée des premiers scrupules qui avaient troublé son bonheur, jouissait ouvertement de la vie, et cet étalage de bonheur parut insolent aux âmes malveillantes. Chartrain surprit des opinions