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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/196

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acceptait avec une sérénité trop égale les nécessités humiliantes de leur situation. Il l’eût préférée plus craintive, cédant à la force irrésistible de l’amour sans se complaire aux petits mystères de leur aventure. Inquiet, il devint injuste et se prépara de nouvelles douleurs.

Si tendres que soient restés les hommes parvenus au milieu de la vie, ils ne peuvent abolir le souvenir d’expériences sentimentales qui les ont rendus méfiants. Tous ont perdu, plus ou moins, cette puissance d’illusion qui revêt de beauté les banales amours de la jeunesse. Leur passion, trop clairvoyante, vit dans la crainte, et souvent un parti pris de critique pessimiste gâte leurs meilleures joies et les condamne à des jalousies sans raison. Cette disposition d’esprit rebute les femmes qui aiment peu, indigne celles qui ne savent pas la comprendre. Blessées de voir leurs paroles et leurs actions interprétées dans un sens défavorable, elles attribuent cette sévérité de leurs maris ou de leurs amants à quelque égoïste besoin de domination, à la malveillance d’un caractère morose. Combien peu compatissent aux tourments d’un homme cruellement instruit par des catastrophes morales et qui joue, dans un amour suprême, sa suprême