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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/203

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— Ah ! mon ami, s’écria Jacqueline quand il eut achevé son récit, si je ne vous savais pas sincère et malheureux, je me fâcherais… oui, vraiment. Cette jalousie me fait injure.

Elle s’indignait à l’idée qu’Étienne avait pu la soupçonner.

— C’est absurde, ce que vous avez fait là. Moritz aura pressenti quelque chose… Oh ! il est discret. Il ne dira rien… Mais ça m’ennuie tout de même… Voyons, fit-elle en prenant entre ses mains la tête de son ami, pourquoi ne veux-tu pas être indulgent ?… Je suis un peu imprudente et étourdie, je le reconnais. Mais tu devrais m’estimer assez pour avoir confiance.

— Je t’estime, répondit-il… Mais je sais, je vois tout ce qui nous sépare, ta jeunesse, tes habitudes, ton goût bien légitime pour la gaieté et le plaisir… Je tremble toujours que tu ne me trouves pédant, triste et bête. C’est la terreur de te perdre qui me fait déraisonner. Oui, quand d’autres te trouvent belle, quand leur curiosité ou leur désir t’effleurent, il me semble qu’on me vole un peu de toi.

— Tu as donc un amour de propriétaire ? dit-elle en riant.

— Ce n’est pas mon orgueil qui crie, c’est