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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/213

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sabilité ennuyeuse. Il connaissait l’affectueux intérêt qu’Étienne portait au petit Jo, et la détermination de son ami le surprit moins que celle de sa femme.

Aucun soupçon n’avait effleuré son esprit. Sa confiance, touchante par son excès même, était faite à la fois de tendresse, d’estime et d’innocent orgueil. Optimiste par tempérament, il considérait les femmes comme des êtres un peu inférieurs, qu’on domine en les amusant, et il se croyait psychologue habile parce que les expériences de sa vie de garçon avaient confirmé presque toujours sa théorie. Il était persuadé que les maris trompés sont trompés par leur faute et que les jaloux, les avares, les brutaux n’ont que ce qu’ils méritent. Certain de n’être ni brutal, ni avare, ni jaloux, il se faisait gloire de laisser à sa femme, avec la plus grande liberté, le mérite de le préférer à tous — et ce délicat sentiment le distinguait des maris vulgaires. Incapable de passion profonde, il ignorait les rapides intuitions qui éclairent l’abîme d’un cœur féminin et l’avenir d’un amour menacé. Il n’avait point les divinations de la jalousie qui étonnent par leur justesse en supprimant l’ordre logique du raisonnement. D’ailleurs, Jacqueline, en se donnant à Chartrain,