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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/23

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veillance ce garçon replet, robuste, la moustache hardie, l’œil clair, type d’homme heureux, nonchalant et sensuel, un peu amolli par le bien-être. Jacqueline n’était pas insensible au succès que son mari obtenait facilement dans le monde où ils fréquentaient tous deux, et dans le monde où il fréquentait tout seul. Elle en éprouvait un plaisir de vanité, et parfois un fugitif frisson de jalousie… Elle avait aimé Paul avec son cœur d’enfant ; elle l’aimait encore avec ses sens de jeune femme. Cependant, ce soir-là, elle était un peu irritée par les regards qu’il lançait à droite et à gauche, par sa manière de tourner la tête quand une femme, non loin d’eux, se levait pour partir et rajustait son chapeau, les bras en l’air, le torse en parade… « Épatante ! » disait Paul. Jacqueline ne répondait pas. Elle n’était pas émue et ne craignait pas les comparaisons, mais ce manège de Paul lui semblait agaçant, bébête, vulgaire. Garderait-il toujours ces façons qui n’ont de grâce que dans la première jeunesse ?… Allait-il devenir fat ! Jamais, jamais il ne serait qu’un gosse, un bon gosse, bien gentil, mais un gosse…

Elle l’avait bien aimé, elle l’aimait bien, et pourtant elle était vaguement fâchée contre lui, sans savoir pourquoi… D’où lui venait ce sentiment