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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/241

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Paul se couchait de bonne heure. Elle pourrait sortir sans être vue et retrouver son ami à cette même place de l’avenue que consacraient tant de souvenirs.

Chartrain arriva le premier au rendez-vous. Sous la voûte énorme des tilleuls, les feuilles tombaient une à une, sans bruit, sur l’humus épais des feuilles anciennes où s’enfonçaient les pieds du promeneur. Molles, bientôt pourrissantes, tout imprégnées des premières pluies d’automne, elles exhalaient l’amère odeur des décompositions végétales. Chartrain, assis sur un banc verdi par l’humidité, distinguant à peine la nef des hautes branches et la colonnade des troncs, songeait à des vers qui évoquaient l’allée tout odorante sous le ciel vert des soirs de juin…

   Nous marchions sous l’arceau de l’antique ramée…
   Sur ta robe traînante et sur tes longs cheveux
   Les tilleuls secouaient leur averse embaumée…

Que de baisers Étienne et Jacqueline avaient échangés sur le banc solitaire, que de balbutiements délicieux et confus ! Il lui semblait que jamais plus ne scintilleraient les étoiles de juin, ne refleuriraient les petites corolles jaunes épanouies par milliers sur les tilleuls, et ne rouvriraient au