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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/244

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— Écoutez, dit Jacqueline. Comme autrefois…

Ils s’arrêtèrent. Cette voix qui chante au ras de terre, dans la boue, sous les étoiles inaccessibles, ce son si grêle, si tendre, si triste, avait remué en elle les souvenirs. Chartrain entoura de son bras les épaules de son amie. La clochette d’argent tintait toujours, sous les buissons que le vent frôlait comme une aile. Le charme élyséen des bois nocturnes, la solitude, le silence endormirent, comme de subtils narcotiques, l’anxiété des deux amants. Le désir ne brûlait pas le sang d’Étienne. À cette heure, il était bien loin des folies d’antan, de cette rage de volupté où il jouissait si violemment de se sentir vivre. En étreignant Jacqueline muette et comme inanimée, il sentait le vertige du néant le prendre. Et près de cette femme adorée, pour la première fois, de toute son âme, Chartrain désira mourir.

— Allons-nous-en, dit-il en frissonnant. Cette nuit est sinistre.

Un an plus tôt, il l’eût trouvée douce, cette nuit d’automne, dont l’ombre accueillante s’épaississait sous les frondaisons des bois. Jacqueline ne répondit pas. Elle n’avait pas entendu et Chartrain vit qu’elle regardait obstinément du côté de la vallée, du côté de la maison où reposait Paul