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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/260

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punis par l’éternel silence, l’éternelle séparation, l’amertume de leur bonheur même, je les plains de toute mon âme et je m’abstiens de les juger… Oui je réserve mon mépris aux séducteurs professionnels et aux perverses coquettes qui tombent par curiosité ou par ennui. Vous parliez, Quérannes, des canapés de restaurant et des lits d’hôtel. J’avoue qu’un chalet suisse, une villa d’Italie, un sanctuaire d’amour parfumé et capitonné forment un plus beau décor. Et cependant, dans ces endroits vulgaires et louches qui révoltent votre délicatesse d’artiste, des hommes et des femmes ont pu s’aimer d’un amour sublime. L’amour ne connaît ni loi, ni fausses pudeurs, ni exigences d’art. Il voit tout à travers lui-même. La bougie de deux sous qui brûle à la fenêtre de l’aimée est plus divine que toutes les étoiles du ciel. Et pensez-vous que ceux qui s’aiment dans le danger, dans le mystère, dans les larmes, pensent à se mépriser réciproquement ? On dit couramment : « Tous les hommes méprisent leur maîtresse par cela seul qu’elle est leur maîtresse… » Laissons ce préjugé misérable aux gens qui prouvent, en le répandant, la médiocrité de leur cœur.

— Chartrain a raison, répartit madame Lussac.