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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/269

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— Malheureux que nous sommes ! dit Chartrain accablé. Nous n’avions pas prévu ce jour. Ah ! Jacqueline, tu n’es plus à moi. Je te perds. Je t’ai perdue. Oublie-moi. Reprends ta liberté, puisque mon amour te fait horreur.

Elle se jeta à genoux prés de lui, lui pressant les mains, l’attirant vers elle :

— Qu’as-tu dit ? Nous pourrions nous séparer ! Tu vivrais sans moi ! Ah ! j’accepte les remords, et le danger, et ma misère, je consens à tout, je ne me plaindrai pas, mais nous resterons l’un à l’autre, toujours, dis, toujours ? Étienne, Étienne, souviens-toi ! Trois ans d’amour… des heures divines… tes tristesses que j’ai consolées… les heures où j’ai dormi sur ton cœur… Regarde-moi ! Crois-tu que mon amour ait faibli ? Je t’aime, je t’aime…

Sa tête penchait, ses yeux égarés fascinaient Chartrain. Elle jeta dans un cri :

— Je voudrais mourir ou dormir toujours. J’ai horreur de vivre. Emporte-moi, garde-moi ! Oublions !

Il la saisit avec une fureur silencieuse. Oublier ! Il ne souhaitait que l’oubli dans la volupté profonde où tout s’abîme et se dissout. La chambre aux fenêtres voilées, au doux silence, entendit encore les soupirs et les sanglots de leur amour. Ils