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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/27

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semblait ouvrir une ère nouvelle dans l’histoire de leur amitié… Parfois, ils croisaient des couples, époux ou amants. Sollicitées par ces visions furtives, par la langueur du soir, par l’inconnu que chacun d’eux pressentait en l’autre, leurs pensées tendirent vers l’amour. Et Jacqueline songea que Chartrain, si tendre dans son silence, la quitterait peut-être pour aller retrouver une maîtresse aimée, une amie plus chère, autrement chère, dont elle ne saurait jamais rien.

Curieuse de surprendre le secret de la rêverie d’Étienne, elle murmura :

— À quoi pensez-vous ? Vous êtes loin.

— Moi ! dit-il. Je suis tout à vous.

Il avait parlé simplement, sans nuance de galanterie. Cette réponse spontanée émut Jacqueline d’un chaleureux plaisir dont elle ne démêla pas les causes. Et tout de suite, il reprit :

— Mais vous, vous ne parlez plus. Vous n’êtes pas triste ?

— Triste ? Oh non. Mais on ne peut pas rire toujours. Je vous assure que je suis très calme et très heureuse.

Elle souriait. Étienne jouissait de la sentir à son bras, sous sa protection, dans la nuit solitaire. Il voyait les beaux yeux intelligents s’éclairer