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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/35

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une parole du médecin, rejeta sur lui la responsabilité de leur malheur. « Tu me l’as tué ! criait-elle… Je ne voulais pas qu’il apprît la musique. Tu l’as entraîné malgré moi ! » Et après les funérailles, avec quelle hostilité sourde madame Chartrain affectait d’ignorer son fils, jetant la clef du piano par la fenêtre, brûlant les partitions qu’elle trouvait, interdisant au malheureux le refuge de l’art et les consolations des maîtres.

Cet enfer avait duré des mois. Puis Étienne, louant la petite maison où s’était écoulée son enfance, décidait sa mère à l’habiter. Madame Chartrain était partie aussitôt et peu à peu l’absence avait détendu sa rancune. Ses lettres prenaient un ton plus affectueux. Étienne avait l’âme trop haute pour tenir rigueur à sa mère. Mais toute intimité de cœur était rompue entre eux. Désormais, il se savait seul.

Seul, bien seul. D’impérieux devoirs, pesant sur sa jeunesse, en avaient écarté le rêve du mariage et, parvenu à la période critique de la quarantaine, il n’avait même pas le souvenir d’un bel amour. Les maîtresses qui avaient traversé sa vie s’étaient montrées indignes ou inférieures, et, décidé à ne pas se donner à demi, il avait gardé, dans ses brèves aventures, la méfiance des