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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/37

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Un peu plus tard, il s’était attaché à une jeune femme, abandonnée par un de ses camarades après une longue liaison. Cette jolie Jeanne Hermenthal, brune aux yeux de velours, aux paupières modestes, peignait des écrans et retouchait des photographies. Elle devait faire des prodiges d’économie, car son petit intérieur, amusant et douillet, ne sentait pas la misère. Chartrain, libre, très estimé dans le petit cercle qu’elle fréquentait, lui parut bon à faire un mari. À trente-trois ans, il gardait un air de jeunesse qui permettait de se méprendre sur la dose de naïveté qui lui restait. Jeanne Hermenthal joua si bien l’Ariane résignée, elle parla tellement de sa pauvreté, de sa solitude, qu’Étienne, attendri, devint son confident. Chaque visite marqua une étape dans leur intimité. Enfin, après une savante comédie de craintes et de refus, après des familiarités qui bouleversaient les sens de Chartrain et la laissaient maîtresse d’elle-même, Jeanne céda brusquement… Étienne lui sut gré de cet abandon sans réticences qu’il ne soupçonnait pas prémédité. Pendant quelques semaines, il eut l’illusion du bonheur. Mais bientôt des incidents trahirent l’égoïsme de la jeune femme, sa perversité, l’impérieux besoin de dominer et d’exploiter qu’elle dissimulait