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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/71

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Elle fut attendrie de le trouver si grand. Elle pensa au temps lointain de sa grossesse, quand elle trompait par de délicats travaux de layette, par l’espoir d’un joli rôle de jeune mère parée de son bébé comme d’un bijou, l’angoisse obsédante des douleurs prochaines. La promesse de l’enfant n’éveillait en elle que des idées d’amusement et des visions de fanfreluches. Parfois, des terreurs la prenaient. Elle se sentait livrée aux forces aveugles et elle s’irritait de son impuissance à modifier, à précipiter l’événement ; elle redoutait le martyre inéluctable, inquiète aussi de l’avenir de sa beauté. Des couches longues et pénibles apprirent la souffrance à ce corps puéril, sans révéler à cette âme mal préparée le prix de la grande épreuve. Jacqueline resta quelques jours comme écrasée, abandonnant l’enfant à la nourrice sans inquiétude ni regret, tout étonnée de ne point sentir en elle ces sublimes élans, ces tendresses fougueuses dont elle avait entendu parler. Après une convalescence qui ne fut pas sans danger, après ces heures troubles qui alanguissent jusqu’aux larmes les jeunes accouchées, elle se leva, emportant de son lit de souffrance une invincible répugnance pour la maternité. Elle était bonne pourtant et tendre,