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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/88

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— Et moi aussi, je vous aime bien, dit-elle. Parlez-moi. Confiez-vous à moi. Pleurez à votre aise… Je vous aimerai d’autant plus que je vous verrai malheureux.

— Hélas ! dit-il, je ne trouve rien à vous répondre… Je songe que vous allez me quitter dans un instant, vous, ma consolatrice. Jacqueline, comprenez-vous ce que c’est que de se sentir seul au monde ? Tant que ma mère a vécu, j’ai caressé l’espoir de la reconquérir. Et puis je la savais vivante. Un être existait, un être de mon sang et de ma chair qui portait mon nom, qui se rattachait à l’arbre de la famille. Je suis maintenant un rameau brisé. Ni femme, ni frère, ni enfant. Des amitiés me restent, je le sais, mais l’amitié ne remplit pas certains vides. Vous-même… Ah ! je ne devrais pas dire cela ! Vous que je chéris depuis des années, vous qui m’aimez fraternellement, je le crois, vous forcez votre pitié à l’aumône de la tendresse. Mais votre vie est faite, votre cœur est comblé. Quoi que vous fassiez je serai toujours un étranger pour vous. Ah ! Jacqueline, je ne puis ni vous aimer ni être aimé de vous, comme l’exigerait mon cœur malade pour s’apaiser enfin et guérir. Pourquoi vous attacher à moi ? Il vaut mieux que je me résigne,