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Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/136

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putés d’un canton se rendent en toute hâte à la ville, afin d’aviser à certaines améliorations locales ; dans un autre endroit, ce sont les cultivateurs d’un village qui abandonnent leurs sillons pour aller discuter le plan d’une route ou d’une école. Des citoyens s’assemblent, dans le seul but de déclarer qu’ils désapprouvent la marche du gouvernement, tandis que d’autres se réunissent afin de proclamer que les hommes en place sont les pères de la patrie. En voici d’autres encore qui, regardant l’ivrognerie comme la source principale des maux de l’État, viennent s’engager solennellement à donner l’exemple de la tempérance[1].

Le grand mouvement politique qui agite sans cesse les législatures américaines, le seul dont on s’aperçoive au-dehors, n’est qu’un épisode et une sorte de prolongement de ce mouvement universel qui commence dans les derniers rangs du peuple et gagne ensuite de proche en proche toutes les classes des citoyens. On ne saurait travailler plus laborieusement à être heureux.

Il est difficile de dire quelle place occupent les soins de la politique dans la vie d’un homme aux États-Unis. Se mêler du gouvernement de la société et en parler, c’est la plus grande affaire et pour ainsi dire le seul plaisir qu’un Américain connaisse. Ceci s’aperçoit jusque dans

  1. Les sociétés de tempérance sont des associations dont les membres s’engagent à s’abstenir de liqueurs fortes. À mon passage aux États-Unis, les sociétés de tempérance comptaient déjà plus de 270,000 membres, et leur effet avait été de diminuer, dans le seul État de Pennsylvanie, la consommation des liqueurs fortes de 500,000 gallons par année.